1.4.05

Amours maternels...

Ma petite Maman,
Que la vie devait être douce ce 21 novembre 1934. Journée pluvieuse ou illuminée d'un doux soleil d'hiver, tu es arrivée. Tu as suivi ton ainée et préparé l'arrivée du reste de la famille.
Crois tu au destin ? Le tiens n'a pas été celui que tu meritais.
Tu avais à peine 6 ans quand la guerre s'est installée et a envahit ta vie. Il aura fallu fuir, aller en campagne à Alvimare où la vie devait être plus "paisible" qu'au Havre. Tu as connu la peur, les bombardements, l'occupation, les soldats qui étaient séduits par ta beauté et ton agilité au piano... Une enfance difficile, marquée par le départ de ta maman à tes 11 ans. Disparition subite dont tu n'as jamais fait totalement le deuil.
Retour au havre en 44, ville bombardée, détruite, véritable plaie ouverte. Tu as vécu la reconstruction, rapide, trop rapide pour être parfaite.
Et puis ta directrice d'école est venue un jour s'installer à la maison, prendre la place de l'épouse de ton père. Il a bien fallu l'accueillir, l'accepter. L'éducation ne s'en est pas moins radoucie.
Très vite il a fallu travailler et tu as compris que pour t'épanouir il fallait partir, fuir, mais on ne partait pas comme ça à cette époque. La vie t'a fait croiser un homme au bal d'Héricourt, une amie entremetteuse, pleine de bonnes intentions y a collaboré... Tu l'as séduit, bien malgré toi. Il a joué le gentleman, s'est déclaré, t'a suivi jusqu'à Megève... Tu t'es laissée embarquer.
Il negeait ce 14 février 1963 quand vous avez dit oui à la mairie du Havre. Tu as osé partir la première, déjà rebelle.
Très vite la première maternité est arrivée, d'autres ont suivi. Tu as suivi ton mari dans tous ses projets fous. Tu as tenu ce café restaurant, cotoyant ces garçons faciles, ces saoulauds, ces charretiers.... Tu méritais mieux. Pendant plusieurs années, vous avez silloné les 4 coins du département, pour enfin vous poser peu de temps avant ma naissance. La vie allait peut être enfin t'offrir quelques moments de répis. Mais il a fallu se lancer dans un autre chantier, l'entreprise de papa, de toute la famille... folie inconsciente. Formidable défi mais usant le quotidien, il aura fallu être patient pour vivre sereinement.
Aujourd'hui tu es partie, tu es ailleurs, tu as baissé les bras. Ton oeuvre s'est achevée, tu as enfin decidé de vivre pour toi. Tu n'as pas prévenu, on ne s'y attendait pas. Celui qui t'a aimé il y a des années n'a pas su te le prouver, te rendre heureuse comme tu l'aurais mérité. On ne refait pas l'histoire. J'aurai eu besoin de toi, Maman, mais tu es partie, me laissant là, seul. Tu as laché ma main pour qu'enfin j'ose faire mes premiers pas sans toi. Je me retourne, te regarde, tu es belle. Tu pars, tu es rayonnante dans ton habit de lumière, l'image est floue, j'ai les yeux pleins de larmes, tu t'éloignes, je ne bouge pas, je suis paralysé, ce sont les dernières images que j'aurai de toi. Tes contours se fondent petit à petit à la lumière qui nous entoure, il n'y a rien d'autre que ce blanc lumineux et éblouissant. Tu ne te retournes pas, tu avances vers ta nouvelle vie, ton nouveau destin, celui que tu as enfin choisi. Vis ta vie, tu l'as bien mérité. Tu ne m'abandonnes pas, je comprends bien que tu as droit au bonheur que tu n'as pas eu ici.
Je ne t'oublierai jamais, tu auras toujours une place privilégiée au fond de moi pour apaiser mes seuls regrets de ne pas t'avoir suffisament embrassé, de ne pas avoir plus souvent pris ta main au creux de la mienne pour sentir ta chaleur maternelle rassurante...

Je t'aime Maman, ne m'oublies pas dans ton nouvel univers. Je regarde le ciel, une nouvelle étoile scintille au loin, elle est petite mais bientot elle brillera vraiment.
Pardon pour les blessures que la vie t'a imposées, j'aurai voulu être ton chevallier pour te protéger. Ne m'oublies pas Maman.

Ton enfant qui t'aime.

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